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Les codes sociaux, c’est comme le Monopoly : tout le monde connaît les règles, sauf toi

  • Photo du rédacteur: Melanie Verola
    Melanie Verola
  • 16 mars
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 mars




(Ou comment survivre à une partie dont tu n’as jamais eu le livret d’instructions)

Tu connais cette sensation ? Cette impression diffuse que tout le monde joue à un jeu dont tu n’as jamais vu la boîte, encore moins les règles. Les autres avancent tranquillement, lancent les dés avec une désinvolture exaspérante, enchaînent les « Small-talk » et les « On se tient au courant » comme s’ils avaient été programmés à la naissance. Toi, tu restes là, le pion dans une main, le sourcil levé, en train d’essayer de comprendre pourquoi tu viens de prendre une amende sociale de 200€ alors que tu n’as même pas encore commencé à jouer.

Bienvenue dans le grand jeu des codes sociaux. Pour les neuroatypiques, c’est un peu comme une partie de Monopoly:
  • Les règles sont floues, voire contradictoires.
  • Les autres ont l’air de s’amuser pendant que toi, tu comptes combien de cases il te reste avant la prochaine case «Allez en prison».
  • Et pire : il semblerait qu’il existe une extension secrète que tout le monde connaît sauf toi.

L’art délicat du small talk (ou le crash systématique de la meuf handicapée des banalités)
Prenons un exemple simple : la boulangerie. Tu croises ton crush. Six fois par mois. Il te regarde, il te sourit. C’est là que la partie commence :
Lui : « Salut, ça va ? »
Toi : « Euh… oui. »
Fin de la partie. Tu t’en vas, un pain au chocolat dans une main, un sourire crispé dans l’autre. Pourquoi n’as-tu pas enchaîné avec un « Et toi ? », ou un banal « Ah, ce temps, hein ! » ?
Parce que dans ton cerveau, le circuit « conversation météo » n’a jamais été câblé.

D’ailleurs, qui a décidé que parler du temps était une règle sociale universelle ?
Si c’est un jeu, pourquoi est-ce qu’on n’a pas le droit de proposer des variantes ? « Salut, ça va ? » pourrait tout à fait être suivi de :
  • Option A : « Ça dépend, tu veux la version courte ou la saga en trois saisons ? »
  • Option B : « Physiquement, oui. Psychiquement, c’est le chaos. »
  • Option C : « Ça va, mais j’ai eu une intuition bizarre ce matin à propos du chat de Schrödinger, tu veux en parler?»
Eh bien… ce n’est jamais la bonne réponse.

Les réunions de travail : une partie de Pictionary avec des règles invisibles
Autre terrain miné : le monde du travail. Imagine une réunion. Ton collègue lâche :
👉 « Ça mange pas de pain. »
👉 « On va pas réinventer la roue. »
👉 « Ce qui compte, c’est d’avancer ensemble. »
Toi, tu cherches la case « Sortir de la réunion gratuitement » mais elle n’existe pas. Alors tu hoches la tête avec ce sourire crispé qui dit « J’ai compris » alors que non, absolument pas. En fait, tu es en train de te demander si ce collègue croit réellement à ce qu’il dit ou s’il est juste en train de jouer au Bingo du management.

D’ailleurs, tu pourrais tenter une réponse :
  • « Si ça mange pas de pain, pourquoi est-ce qu’on en parle ? »
  • « Mais si on réinvente la roue, on pourrait au moins lui mettre des LED, non ? »
  • « D’avancer ensemble, oui, mais vers où ? Parce que moi, j’aimerais bien une carte du parcours. »

Mais non. Tu ne dis rien. Parce qu’ici, le silence est un gage de compétence sociale. Et toi, tu tiens à ta place sur le plateau.

Quand Mister Crush te demande de te lever…
Et puis il y a ces moments absurdes. Un jour, Mister Crush (oui, LE crush ultime) te demande de te lever. Tu es assise sur le canapé, jambes tendues. Tu te lèves… debout sur le canapé.
Et lui, l’air interdit :
👉 « Non… sur le sol. »

Ah.
Bien sûr.
Tu aurais dû deviner que dans ce jeu, « lever » signifiait « poser les pieds sur le sol ». Mais en fait, ce n’était pas une simple demande physique : il voulait t’emballer. Il pensait sans doute que tu te lèverais avec grâce, façon héroïne de comédie romantique, qu’il t’attirerait dans ses bras dans un enchaînement parfait. À la place, il a eu droit à une performance digne de « L’Embarras en 3 actes ».
(Note à toi-même : Règle #43 — Quand quelqu’un dit « lève-toi », il veut souvent dire « Viens vers moi », pas « Prends de la hauteur littérale ».)

Traduire le monde social : un métier à plein temps
Être neuroatypique dans le monde social, c’est un peu comme être un traducteur simultané entre deux langues que tu ne maîtrises pas tout à fait. Tu passes ton temps à essayer de lire entre les lignes, à capter les signaux invisibles.

Quand quelqu’un dit « Ça va ? », il ne demande pas vraiment comment tu vas. Il te propose juste une ouverture pour entrer dans la partie.
Quand ton boss dit « C’est intéressant », il ne pense pas forcément que c’est intéressant. Il pense peut-être « Je suis poli mais j’espère que tu vas t’arrêter là ».
Quand quelqu’un dit « On se capte bientôt », il ne pense pas du tout à te rappeler.
Ce décalage constant crée une fatigue sociale immense. Parce que pendant que les autres avancent avec leurs dés et leurs cartes Chance, toi, tu es encore en train de lire le livret de règles — qui, surprise, est en sanskrit.

Des gaffes, des rires et un peu d’amour-propre en chemin
Oui, il y a des moments où tu te prends les pieds dans le tapis social. Où tu réponds sérieusement à une question rhétorique. Où tu envoies un pavé par texto alors qu’on attendait juste un emoji.

Mais il y a aussi des moments de grâce. Des rencontres où l’autre comprend ton langage. Où tu réalises que ta façon de voir le monde est précieuse. Parce qu’elle est différente. Parce qu’elle est brute, directe, honnête.

Les neuroatypiques ne sont pas mauvais à ce jeu. Ils jouent simplement à leur manière. Avec leurs propres règles. Parfois, ils créent des variantes que personne n’avait prévues. Et parfois, cette différence crée un moment suspendu, une étincelle de connexion réelle.

Alors oui, le Monopoly social est biaisé. Les pions sont truqués, les règles sont injustes. Mais qui sait ? Peut-être qu’au fond, le but n’a jamais été de gagner — juste de trouver des partenaires avec qui jouer la partie jusqu’au bout.

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